L'évaluation des parts sociales dans le cadre d’une SCP de notaires et la notion de l’abus de droit

Affaires - Sociétés et groupements
22/04/2019
Le défaut d'accord entre les parties sur le prix de cession des parts sociales suppose la fixation de ce prix par un expert désigné sans que le caractère dérisoire attribué au prix proposé dans le projet de cession puisse être invoqué au titre de l'abus de droit.

Les manœuvres de l’associé cédant, parfois sous forme dilatoires, pour tenter de contraindre son associé à acheter des parts au prix fixé avec un notaire tiers démontrent d’une part une volonté de nuire préjudiciable aux autres associés et d’autre part, caractérisent l'existence d'un abus de droit.
Tel est le positionnement de la Cour de cassation dans un arrêt daté du 10 avril 2019 (Cass. 1re civ.., 10 avr. 2019, n° 17-28.264, P+B). 

Il résulte de l'article 19, alinéa 3, de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, relative aux sociétés civiles professionnelles , dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016, que, si la société a refusé de donner son consentement au projet de cession de parts sociales qui lui a été notifié, les associés sont tenus, dans le délai de six mois à compter de ce refus d'acquérir ou de faire acquérir les parts sociales à un prix fixé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du Code civil .

De plus, l'article 28, alinéa 1er, du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967, pris pour l'application à la profession de notaire de la loi du 29 novembre 1966, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016, dispose qu'en cas de refus de la société, celle-ci notifie, dans ce délai, à l'associé qui persiste dans son intention de céder ses parts sociales, un projet de cession et qu’à défaut d'accord entre les parties, le prix de cession est fixé par un expert désigné dans les conditions fixées par l'article 1843-4, précité et que toute clause contraire est réputée non écrite.

En l’espèce, un premier projet de cession des parts sociales a été signifié aux associés. A la suite d’une opposition de l’un d’entre eux et à l’issue de manœuvres dilatoires ayant pour objectif d’exercer une pression sur l’associé réfractaire, un second projet de cession à un prix moindre issu d’une expertise à l’amiable ne répondant pas aux conditions visées par l’article 28, alinéa 3, du décret de 1967 a été convenu. Face à cette expertise non-conforme, arguant un préjudice subi du fait du différentiel de prix entre le projet initial et le second, un des associés a assigné l’associé ayant opposé son refus au premier projet de cession à lui payer le montant initial des parts sociales.

Reprenant les termes de la cour d’appel de Rennes dans son arrêt du 7 juin 2016, la Cour de cassation a énoncé, d’une part, que l’associé était responsable de son propre préjudice dès lors qu’il ne s’était pas comporté sciemment de manière diligente et n’avait pas sollicité la nomination d’un expert judiciaire pour la valorisation des parts sociales en vertu de l’article 1843-4 du Code civil et, d’autre part, que son comportement dilatoire avaient engendré des préjudices pour les autres associés caractérisant ainsi un abus de droit.

 

Gözde Lalloz

Source : Actualités du droit