Transmission d’une QPC sur l'accouchement sous le secret et les droits du père par le sang

Civil - Personnes et famille/patrimoine
27/11/2019
La Cour de cassation renvoie au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur les dispositions des articles 351, alinéa 2 et 352, alinéa 1er du Code civil.
En l’espèce, une femme accouche dans le secret. L’enfant est alors admis, à titre provisoire, comme pupille de l’État puis, à titre définitif, le 24 décembre suivant. Le conseil de famille des pupilles de l’État consent ensuite à son adoption le 10 janvier 2017 et une décision de placement est prise le 28 janvier. L’enfant est alors remise au foyer d’un couple le 15 février. Toutefois, après avoir, le 2 février 2017, entrepris des démarches auprès du procureur de la République pour retrouver cette enfant, et ultérieurement identifié celle-ci, le père de naissance, la reconnaît le 12 juin. Le couple ayant déposé une requête aux fins de voir prononcer l’adoption plénière de l’enfant, le père par le sang est intervenu volontairement dans la procédure.

À l’occasion du pourvoi en cassation formé contre l’arrêt de la cour d’appel prononçant l’adoption de l’enfant, le père de naissance a, par mémoires distincts et motivés, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité, ainsi rédigées :

1°. « Les dispositions de l’article 351, alinéa 2, du Code civil qui prévoient que le placement en vue de l’adoption peut intervenir deux mois après le recueil de l’enfant et de l’article 352, alinéa 1er, du Code civil qui disposent que le placement en vue de l’adoption met obstacle à toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine et fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance portent-elles atteinte au droit de mener une vie familiale normale et à l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi qu’au respect de la vie privée garanti à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et du principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en ce qu’elles empêchent le père d’un enfant né d’un accouchement anonyme d’établir tout lien de filiation avec lui dès son placement en vue de l’adoption et avant même que l’adoption soit prononcée » ?
2°. « Les dispositions de l’article 353, alinéa 3, du Code civil qui prévoient que dans le cas où l’adoptant a des descendants, le tribunal vérifie si l’adoption n’est pas de nature à compromettre la vie familiale sans prévoir la même obligation lorsque l’enfant placé en vue de l’adoption a des ascendants, notamment un père biologique, qui revendiquent le droit d’entretenir des liens avec lui portent-elles atteinte au principe résultant de l’article 34 de la Constitution selon lequel l’incompétence négative du législateur ne doit pas affecter un droit ou une liberté que la Constitution garantit, en l’occurrence le droit de mener une vie familiale normale résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et le principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 » ?

La Cour de cassation commence par rappeler la teneur des dispositions dont la constitutionnalité est contestée. À savoir d’une part, l’article 351, alinéa 2 du Code civil qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996, dispose : « lorsque la filiation de l’enfant n’est pas établie, il ne peut y avoir de placement en vue de l’adoption pendant un délai de deux mois à compter du recueil de l’enfant » et, d’autre part, l’article 352, alinéa 1er du même code, selon lequel « le placement en vue de l’adoption met obstacle à toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine. Il fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance ».
Elle considère ensuite que ces dispositions sont applicables au litige et qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel. En outre, la question posée présente un caractère sérieux en ce qu’elle invoque une atteinte aux droits et libertés garantis par les alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et les articles 2 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, de sorte qu’il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Source : Actualités du droit