Droit des marques et usage par un tiers

Affaires - Immatériel
07/07/2017
Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, d'indications relatives à l'espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l'époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d'autres caractéristiques de ceux-ci, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.
 
Tel est le sens d'un arrêt rendu le 5 juillet 2017 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. En l'espèce, le titulaire de la marque française "Buckfast" déposée le 8 avril 1981, régulièrement renouvelée depuis et enregistrée pour désigner notamment des produits et services relatifs à l'élevage de reines et d'abeilles, ainsi que des reines, abeilles et plus généralement des animaux vivants, a assigné un apiculteur, en contrefaçon de cette marque.
L'arrêt d'appel (CA Nancy, 6 oct. 2015, n° 14/02105, sur renvoi après cassation par Cass. com., 24 juin 2014, n° 13-19.651, D) accueille l'action en contrefaçon, retenant que l'apiculteur a utilisé le terme "buckfast", ainsi que l'appellation "buck", sans l'autorisation de son titulaire, pour désigner et proposer à la vente des produits identiques à ceux énumérés dans l'enregistrement de marque.

Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel, par substitution de motif, au visa de l'article L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété à la lumière de l'article 6, b) § 1, de la Directive n° 89/104 du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques. La Cour retient qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, l'apiculteur n'avait pas fait un usage honnête d'un signe indispensable à la désignation du produit vendu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Elle relève par ailleurs que, selon les constatations des juges du fond, l'apiculteur a fait paraître en 2003 dans des revues spécialisées des annonces mettant en vente des ruches peuplées "Buckfast", ainsi que des essaims et reines sélectionnées issus des élevages "Buck" et qu'à l'époque de ces parutions, les termes "buckfast" et "buck" étaient devenus usuels pour désigner un certain type d'abeilles. Ainsi, pour la Haute juridiction, il en résulte qu'en indiquant, dans le cadre d'une offre de transaction entre spécialistes de l'apiculture, l'espèce des abeilles en question, l'apiculteur a utilisé le signe litigieux en se conformant aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale, en faisant ainsi un usage que le titulaire de la marque n'était pas en droit d'interdire, de sorte que l'action en contrefaçon n'est pas fondée.
 
Par Vincent Téchené
 
Source : Actualités du droit